Aubonne, eau bonne, ô bon..heur !

Aubonne, eau bonne, ô bon..heur !

Vendredi, Octobre 11, 2024

Quand notre mental et notre cerveau nous jouent des tours...

Jeudi 6 septembre 2024. Au réveil, ma météo intérieure est à peu près aussi maussade que celle extérieure : couverture nuageuse, tendance à l’humidité et aux pluies intermittentes, rafales de vent sporadiques – un tableau plutôt gris et triste, en somme.

Ce matin, j’ai piscine. Au moins deux fois par semaine, dont le jeudi de préférence, je renoue avec mon sport de prédilection et avec ma première passion : la natation.

Un dilemme, pourtant, me travaille : dans quelle piscine vais-je exercer mon art ? À la piscine extérieure d’Aubonne ou celle, intérieure, de St-Prex ? Au vu de la météo, je penche plutôt pour le doux cocon saint preyard.

Je choisis toutefois le bassin extérieur aubonnois : c’est probablement la dernière fois que je mettrai les pieds (et les palmes) dans cette piscine-là, puisqu’elle ferme (théoriquement, du moins) définitivement ses portes le dimanche 9 septembre pour être démolie et reconstruite à peu près sur le même site pour mai 2025.

Cette perspective d’une « dernière fois » ne fait qu’augmenter ma tendance météorologique à la morosité : quand je repense à tous les moments vécus dans cet endroit, soit en famille soit seul, entouré d’amis ou pas, je ne peux m’empêcher de ressentir de la mélancolie ainsi que de la tristesse en lien au décès de ma femme et à son absence.

Qu’importe ! Je nagerai pour rendre un double hommage : à un bel endroit, riche en rencontres et en souvenirs d’une part et, de l’autre, à une personne chère à mon cœur et trop tôt disparue.

Une fois entré dans les vestiaires et changé, je m’approche du bassin et la perspective de plonger dans une eau à la température plus élevée que celle de l’air me ravit. Puis, immergé et bien décidé à aligner mes deux kilomètres habituels, je me concentre, comme je le fais depuis plusieurs années, sur mes sensations : l’eau sur laquelle j’appuie mes mains, qui glisse ensuite le long de mes bras, de mon tronc, de mes jambes et de mes pieds ; la glisse que je prolonge après chaque virage ; mon souffle, parfois long, parfois plus court et les bulles qu’il occasionne.  

Sans oublier toutes les beautés que mes yeux me permettent d’observer (à moins que la beauté soit dans les yeux de la personne qui regarde...), comme les jeux de lumière et les reflets sous l’eau ainsi que les ombres créées par mon propre corps sur le fond de la piscine – merveilles qui, je l’avoue, ne sont pas légion ce matin-là : le soleil, projecteur principal, brille par son apparente absence.

Lorsque je nage sur le dos, il y a également la couleur du ciel (qui, là aussi, aura déjà été d’un azur plus méridional) ainsi que les arbres, nombreux dans l’enceinte de ce petit stade aquatique, et les oiseaux, notamment les hirondelles dont certaines viennent parfois frôler l’eau chlorée.

Deux nouveautés viennent compléter ce matin-là le tableau de toutes ces sensations et « joui-sens » (je reprends ici l’expression de François Cheng) : le chatouillement sur ma peau causé par la pluie, juste assez forte pour que je la sente sur mon visage et sur mes bras lorsque je nage le dos ; le vent qui, par moments, vient tester la résistance de mes bras lorsque ceux-ci sortent de l’eau.

C’est ainsi que, peu à peu, ma météo intérieure s’embellit et devient aussi estivale que pourrait l’être celle extérieure en cette saison. Et, une fois sorti de l’eau, douché et séché, ma sérénité va en augmentant lorsque je constate la présence dans la piscine de tout jeunes élèves de classes aubonnoises pour qui leurs enseignantes ont eu le courage (et, j’ajouterais, l’intelligence) de maintenir la sortie prévue.

Si certaines têtes blondes, peu enclines à se faire mouiller conjointement par deux eaux différentes, ont la possibilité de rester au chaud dans le restaurant de la piscine pour faire des dessins, les plus téméraires barbotent joyeusement dans le bassin non-nageurs quand elles ou ils ne sautent pas depuis les plongeoirs, sous les yeux à la fois amusés et un brin inquiet des adultes responsables.

En sirotant mon thé chaud sur la terrasse (couverte) de la buvette et en savourant la lecture du livre « feel good » de Michiko Aoyama, « Un jeudi saveur chocolat », je me dis que Christiane Singer a raison lorsqu’elle dit que les enfants sont nos maîtres. Ils ne sont en effet pas (encore trop) victimes de leur mental et de leurs pensées qui, à nous adultes, nous jouent trop souvent des tours : pour ces petits êtres en devenir, l’instant présent ainsi que la joie d’être vivants et de faire un avec leur corps ainsi qu’avec leurs sensations comptent vraiment. Une belle leçon de bonheur, somme toute. Et d'humilité...dans l'humidité.

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